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    L'Internet est un média composite dont le fonctionnement technique repose sur une grande variété d'acteurs. Ce fonctionnement est basé sur la collaboration et ne comporte pas de centre permettant de le contrôler.

    L'utilisation de l'Internet est rendue possible par cette collaboration qui fournit les éléments nécessaires au raccordement, au stockage, au transport, à la mise à disposition et à la consultation d'informations.

    Tout contenu est virtuellement accessible à une personne désirant le consulter. Les différents contenus sont stockés sur différents ordinateurs formant le réseau et il suffit à la personne de posséder un logiciel adéquat, un accès au réseau et de piloter le logiciel pour lui indiquer la façon de retrouver l'information désirée. Le réseau se charge de transmettre la requête au programme serveur de l'ordinateur qui possède l'information. Le serveur renvoie l'information au logiciel de consultation (le client) via le réseau. Il reste alors au logiciel client à présenter l'information sous sa forme originelle à l'utilisateur.

Une médiathèque planétaire

    Chaque contenu est emprunt de la marque de son auteur, il peut être commercial ou non. L'arrivée des contenus commerciaux est relativement récente et liée au développement de marchés ouverts par le réseau Internet. Les auteurs de contenus sont soumis aux lois de leur pays, ces lois sont donc très variables. Une très grande quantité de contenus est créée chaque jour, ces contenus peuvent être légaux ou non en regard des lois applicables à l'auteur qui les publie ou de celles applicables à l'utilisateur qui les reçoit.

    Chaque utilisateur potentiel est aujourd'hui déjà, et sera plus encore dans les années qui viennent, confronté à la capacité d'accéder à des contenus qu'il peut approuver ou réprouver.

Contrôle central ou contrôle individuel

    La société se retrouve donc dans une situation sans précédent. Certains diront que ce contexte est propice à faire évoluer la société vers un avenir meilleur, d'autres pourront craindre de se voir déstabilisés. C'est toute la capacité de l'individu à se prendre en charge et à mettre en place une autorégulation qui se trouve propulsée à l'avant-scène. Quoiqu'il en soit, tous les individus, adultes ou -- a fortiori -- mineurs, ne sont pas également armés pour se protéger.

    Pour certains, le libre arbitre sera suffisant, pour d'autres, une aide sera souhaitable, en particulier pour l'exercice d'un contrôle parental. Une des solutions pour y parvenir, sans porter atteinte à la notion indéfinie de liberté d'expression, est de mettre en place une protection lors de la consultation des contenus.

    D'une manière simple, celle-ci consiste à trier les contenus pouvant être consultés en fonction de critères divers. Les contenus, ne vérifiant pas les critères définis par l'utilisateur, seront rendus inaccessibles par l'utilisateur lui-même. Chaque individu peut ainsi fixer les critères selon sa propre sensibilité, indépendamment des autres utilisateurs. Cette solution, qui ne préjuge pas de ce qui est fait au niveau légal concernant la production des contenus et leur acheminement par les prestataires techniques collaborant au fonctionnement de l'Internet, est désignée sous le terme filtrage des contenu ou encore de sélection des contenus.

    Le principe sous-tendu par ce fonctionnement est que la sélection s'opère au point de consultation de l'information plutôt qu'à son point de création ou sur le trajet qui relie la source à la destination. Le filtrage est un acte volontaire qui respecte les droits et les sensibilités des utilisateurs autant que ceux des auteurs. Il affranchit, en partie ou en totalité, l'utilisateur de la multiplicité des lois étrangères, manquantes ou inadaptées au contexte du réseau.

Une communauté qui veut assumer sa responsabilité

    Les acteurs de l'Internet --ou, du moins, une partie d'entre eux -- font preuve d'une volonté de se prendre en charge eux-mêmes, ce qui est loin d'être courant dans d'autres domaines de la société. On voit rarement les conducteurs de véhicules initier la réforme du code de la route ou l'aménagement de la signalisation. L'Internet s'est construit sans contrôle des états, il est exempt des contraintes d'un tel contrôle.

    D'un autre côté, les acteurs de ce réseau sont conscients que l'ouverture à un public large est nécessaire mais s'accompagne de problèmes qu'ils doivent surmonter.

    Chaque tentative de réintroduction d'un contrôle de l'état s'est soldée par une contestation très forte. Le fait que le média soit très riche et peu contrôlable de manière centrale a, jusqu'à présent, donné raison aux tenants de l'autorégulation. Les tentatives d'amendement en vue d'établir un contrôle étatique, aussi bien aux Etats-Unis qu'en France se sont soldées par des décisions d'inconstitutionnalité prononcées par les autorités compétentes.

    Mais chaque tentative motive aussi les acteurs à proposer des solutions valables pour se substituer à la main mise institutionnelle. En ce sens, la communauté, qui sera peut-être demain la société entière, en retire un grand bénéfice. Cette observation pourrait conduire les états à favoriser l'autorégulation et à faire confiance aux acteurs qui démontrent que la protection des personnes appelle des réponses plus positives que la limitation de la liberté d'expression.

Classification : informer ou juger ?

    Extraits d'une communication de Donald F. Roberts et Thomas More Storke, professeur du Département de la Communication à l'université de Stanford, en août 1996 (source RSAC).

      " Aujourd'hui, je vais parler de ce qui est devenu l'un des sujets brûlants dans le monde des médias de masse aux Etats-Unis. Durant les deux ou trois ans que nous avons passé aux USA, nous avons conduit un débat marquant à propos de l'opportunité et des moyens de réguler le contenu des médias. [...]

      Dans l'immédiat, je vais essayer d'expliquer pourquoi le sujet de la classification a pris un tel essor, présenter quelques résultats préliminaires de l'étude sur la violence à la Télévision Nationale, discuter du fonctionnement de la V-chip et finir par ce que l'on appelle le système de classification RSAC et les arguments qui me font préférer un système de description de l'information à un système d'évaluation de l'information. [...]

      Protéger les enfants

      La demande pour une réglementation du contenu des médias est essentiellement motivée par le besoin de protéger les enfants. Ainsi, chaque fois que l'on essaie de réglementer quelque chose par rapport au contenu d'un média, que ce soit pour l'étiqueter, pour restreindre son accès ou pour le censurer totalement, cela est généralement justifié par le souhait de vouloir préserver les enfants du mal. Les enfants sont présumés, c'est plutôt justifié, être différents des adultes - plus vulnérables, moins aptes à appliquer les bases du jugement critique, plus exposés. [...]

      Mon propos est simplement que la peur des médias pour les enfants n'est pas nouvelle. L'Homme a toujours débattu sur le type de contenu qui pourrait être approprié aux enfants et sur ce qui devrait être fait par rapport à cela.

      Demande en faveur de la classification

      Les réponses à cette question semblent toujours aller d'une extrême ne rien faire à l'autre brûler les livres (les films/les jeux/les disques - les auteurs !). La solution intermédiaire, au moins aux Etats-Unis, s'est exprimée sous la forme de demandes pour mettre en place une forme de classification ou d'étiquetage, un moyen d'identifier les contenus non appropriés aux enfants, et ensuite d'utiliser ce système soit pour habiliter les parents, soit pour réglementer l'accès des enfants, ou bien une combinaison des deux. [...]

      Comme les adultes ont toujours eu peur que les médias n'exercent une influence néfaste sur les enfants, il n'est pas surprenant [que l'on en vienne] à considérer les médias comme ayant forcément un impact négatif sur la société, et de là, à demander qu'ils soient réglementés ou encadrés. Étant donné que la constitution américaine garantit la liberté d'expression, l'une des possibilités pour exercer une forme de contrôle semble être un système de classification ou d'information, à condition qu'il ne soit pas mis en place par le gouvernement. Un sondage du New York Times publié en juillet 1995 a montré que 80% des américains adultes et 91% des parents étaient en faveur de la mise en œuvre d'un système de classification pour la télévision, que 80% des parents souhaitaient que les enregistrements musicaux soient classés et que 86% des parents pensaient que les cassettes et jeux vidéo devaient l'être également (Sex and power in popular culture, 1995). [...]

      En d'autres termes, si nous avons à mettre au point un système de classification pour informer les parents des contenus potentiellement problématiques dans les émissions télévisées (ou les films, les jeux vidéos ou les sites Web), les facteurs contextuels caractérisant la plupart (pas la totalité, mais la plupart) des programmes violents à la télévision américaine sont exactement ceux qui justifient le besoin d'étiqueter les contenus comme non appropriés aux enfants.

      La V-chip

      Comme certains d'entre-vous le savent déjà, en février, le Président Clinton a signé la loi de 1996 sur les télécommunications, une loi dont on dit qu'elle va changer la face de l'industrie américaine des télécommunications. Un petit passage de cette loi est destiné à donner aux parents la possibilité de contrôler les contenus télévisés auxquels leurs enfants peuvent avoir accès.

      La V-chip est un simple composant, un tout petit composant, à incorporer aux nouveaux téléviseurs (ou à rajouter à ceux déjà existants). Elle permet aux consommateurs de bloquer les émissions en fonction de la classification de leur contenu. La puce lit un signal qui n'est pas visible au spectateur (il est transmis pendant l'intervalle de blanking vertical […]). Ce signal qui sera présent dans chaque programme de télévision, contiendra l'information de classification du programme.

      Le consommateur peut programmer la puce pour que tout programme dont la classification ou le niveau d'intensité dépasse le seuil défini soit bloqué. Par exemple, une émission peut être classifiée entre 0 - pas de violence et 5 - très violent ou entre G - tout public et NG - 17 - pas pour les enfants de moins de 17 ans (système américain de classification des films). Les parents décident des émissions qu'ils veulent autoriser à la maison sur la base de la classification et programment la V-chip pour bloquer ce qui dépasse le niveau sélectionné. Une fois que la sélection est faite, la puce décode automatiquement le signal de classification de chaque programme et agit en concordance avec la décision parentale (ou autre).

      Si le programme dépasse le seuil, la V-chip intercepte le signal et l'écran devient simplement vide. En bref, la puce n'est rien d'autre qu'un dispositif qui permet aux consommateurs de décider des types d'émissions qu'ils veulent autoriser chez eux à chaque moment et de bloquer les autres.

      Il faut noter certaines choses importantes à propos de la V-chip : 1) elle peut s'adapter à n'importe quel nombre de systèmes de classification différents ; 2) elle peut prendre en compte plusieurs systèmes simultanément (il n'y a pas d'obligation de se conformer à une approche unique) ; 3) un même programme peut est classifié à l'aide de plusieurs critères, par exemple, il peut y avoir une classification pour la violence, une autre pour le sexe et une autre pour le langage, toutes pertinentes pour le même programme ; 4) la puce peut être mise en service et hors service ou programmée à nouveau à tout moment.

      Le système RSAC

      En clair, les caractéristiques électroniques de la V-chip ne sont qu'une partie de l'histoire. La valeur de la V-chip dépend dans un premier temps autant du système utilisé pour classifier les contenus que des capacités d'affichage et de blocage, c'est pourquoi je vais parler des différentes approches qui président à la classification. La distinction principale à faire est celle entre les systèmes descriptifs et les systèmes évaluatifs.

      Pour commencer, combien d'entre vous seraient satisfaits par un système de classification consistant à dire simplement G (bon pour les enfants) ou NG (mauvais pour les enfants) ? Avant de voir le programme, ce serait la seule information que vous en connaîtriez. La situation serait-elle meilleure s'il y avait quatre ou cinq niveaux de classification, disons 0 à 5 ou G, PG, PG-13, R et NC-17 (encore le système du MPAA) ? Est-ce suffisant ?

      Votre réponse à la question changera t'elle en fonction de qui fournit la classification ? Par exemple, si G ou NG sont décernés par un membre influent du système éducatif ou par un détenu pour abus sexuel sur mineur. Que dire d'une classification qui serait faite par un ou deux éducateurs, l'un obsédé par la suppression de la violence à la télévision, l'autre en croisade pour tenir les enfants à l'écart de la nudité ? Mais vous ne saurez pas qui est l'origine d'une classification donnée. Est-ce que cela fera une différence pour vous en fonction de l'auteur de la classification ?

      Est-ce que certains d'entre vous sont plus attentifs à la présentation de la violence qu'à celle du sexe, ou vice versa ? Est-ce que parmi vous, certains ont différentes visions à propos de la représentation de la nudité ? ou de la grossièreté ? et même si vous pouvez être d'accord sur les types de contenus les plus concernés, êtes-vous sûrs d'être d'accord sur la façon de classifier un contenu particulier ? Peut-être que ce que vous considérez comme étant de la violence brutale sera considéré par un autre comme rien de plus qu'une bagarre amicale.

      J'ai commencé à comprendre l'importance de ces questions lorsque j'ai été appelé par la Software Publishers Association pour développer un système de classification des jeux informatiques. Comme je l'ai dit auparavant, aux Etats-Unis, le débat sur la classification a impliqué la presque totalité des médias. Trois ans avant, en réponse à la mise sur le marché de quelques jeux vidéos particulièrement violents et sanglants, plusieurs membres du Congrès américain avaient fait pression sur l'industrie du jeu vidéo et du jeu informatique pour qu'elle développe une forme d'information parentale sur les emballages de jeux. [...]

      En fin de compte, lorsque le système sur lequel j'ai travaillé a été terminé, il fut remis à un comité d'information à but non lucratif, indépendant de l'industrie informatique, le Recreational Software Advisory Council (RSAC) [Comité Consultatif pour les Logiciels de Loisir].

      Le système de classification est connu sous le nom de système RSAC. Il y a quelques mois, une version modifiée, appelée RSACi (i pour Internet) a été mis en œuvre pour le World Wide Web et 2000 sites Web ont déjà été classifiés avec.

      Plusieurs facteurs ont influencé la structure du système de classification RSAC. La plus importante étant sans doute la question générale de savoir si le système devait prononcer un jugement ou simplement informer (évaluatif ou descriptif). En d'autres termes, un système de classification doit-il émettre un jugement évaluatif sur ce qu'un enfant peut voir ou bien, doit-il donner aux parents des informations sur ce qu'est le jeu et les laisser émettre le jugement évaluatif ? Est-ce qu'il est mieux d'étiqueter un programme comme étant non approprié pour un enfant de moins de 13 ans ou d'indiquer que ce programme montre de la violence qui n'est pas punie et qui résulte en des blessures à des êtres humains, laissant les parents décider si leurs enfants peuvent l'utiliser ?

      Je me suis aperçu que beaucoup de parents s'opposaient à une classification de nature à juger de l'âge autorisé, ils ne croyaient pas qu'elle puisse être appropriée au cas de leurs propres enfants. Certains étaient persuadés que leur petit de 10 ans était en mesure de regarder certaines émissions classées PG-13, d'autres pensaient que leur jeune de 14 ans ne pouvait pas regarder tel film PG-13, ils n'étaient pas d'accord pour expliquer leur opinion à propos de ces classifications d'experts ; mais la plupart reprochait au système alphabétique simple de ne pas les informer suffisamment pour qu'ils puissent se faire une opinion valable. Étant donné que PG-13 peut être attribué à cause de la violence, du sexe ou du langage, ils sont souvent incapables de savoir ce qui a motivé la classification d'un film donné. La seule chose dont ils puissent être sûrs, c'est que quelqu'un a jugé que le contenu ne convient pas à un jeune enfant. [...]

      En fin de compte, étant donné que les concepteurs de jeux ne souhaitaient pas que leurs produits soient jugés, et que beaucoup de parents plaidaient pour plus d'informations, nous avons opté pour un système descriptif, un conseil informatif, par opposition à un système évaluatif. Nous avons décidé de prendre exemple sur le système d'étiquetage américain des produits alimentaires, un système qui demande aux fournisseurs d'aliments d'indiquer sur l'emballage la composition complète du produit emballé. On ne dit pas aux consommateurs s'ils peuvent ou non manger l'aliment, au lieu de cela, on leur fournit des informations adéquates et la décision leur appartient. Nous avons développé le système d'information sur les contenus du RSAC en utilisant les mêmes principes.

      Un autre élément déterminant dans la forme adoptée pour le système était logistique. La nature des jeux informatiques rend très difficile de les faire évaluer par des critiques indépendants. Si les films ou les cassettes vidéos peuvent être visualisées en 90 minutes, il faut quelquefois jusqu'à 100 heures pour passer un jeu en revue (200 pour une personne de plus de 40 ans). Étant donné que des centaines de jeux doivent être classifiés chaque année, cette solution est en pratique impossible.

      Par conséquent, nous devions mettre au point un système d'auto classification -- c'est-à-dire un système au moyen duquel les concepteurs classifiaient eux-mêmes leurs propres jeux.

      Cela a créé, bien entendu, un nouveau problème. Demander au concepteur de classifier son jeu, en particulier lorsque le concepteur pense qu'une classification basse pour la violence fera baisser les ventes, c'est comme de demander au renard de garder le poulailler... cela semblait être une incitation à détourner les règles. Nous avons dû trouver un moyen pour obtenir des classifications fidèles et honnêtes, et aussi important, pour convaincre le public que les classifications effectuées soi-même étaient fidèles et honnêtes.

      La solution n'était pas compliquée en fait. Nous avons simplement pris les normes scientifiques en les rendant compréhensibles au public. Nous avons développé un système de classification très fiable et complètement transparent, ces deux caractéristiques ont largement solutionné le problème. Laissez-moi vous l'expliquer.

      Un système très fiable signifie que deux personnes qui utilisent correctement les procédures classifient un jeu de la même façon. Ceci nécessite des définitions très concrètes et très détaillées de chaque point à classifier et un jeu de questions sur le contenu qui ne requiert que des réponses de type oui/non une fois que les définitions ont été comprises. [...]

      Un système public signifie qu'il est publiquement contrôlable, que chacun peut accéder au système, aux définitions et aux procédures. Dans la mesure où l'accès au système est garanti, chacun peut vérifier à tout moment la classification donnée à n'importe quel jeu. L'idée est qu'en donnant la possibilité au public de faire facilement des remarques ou d'émettre des objections lorsqu'il n'est pas d'accord avec la classification (en utilisant évidemment le même système), les concepteurs de jeu restent honnêtes par crainte d'une vérification. Si les concepteurs abusent du système, ils sont susceptibles de se voir retirer leur classification, ce qui peut se traduire par un retrait des produits des rayons de vente, et de se voir infliger une amende. [...] "

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