Origine et objectifs de PICS : système ouvert et versatile
L'Internet étant depuis quelques années passé du domaine de la recherche au domaine du grand public, il s'est trouvé du fait de son succès, confronté au problème classique des médias : tous les contenus ne sont pas recevables par toutes les audiences. Pour éviter une lourde censure étatique, mal adaptée à ce nouveau média et risquant de compromettre son développement, divers acteurs se sont regroupés pour mettre au point une plate-forme commune pour le classification et la sélection des contenus sur l'Internet.
PICS est ainsi né en août 1995, au sein d'un groupe de travail du Consortium World Wide Web (W3C). Ce groupe fédère et harmonise différentes initiatives prises au cours de l'année 1995 : la création du groupe pour le contrôle parental dans le cadre des autoroutes de l'information (IHPEG), la proposition de plusieurs standards d'étiquetages de contenu et l'annonce de services et de produits pour bloquer les contenus non appropriés. Quelques mois plus tard, les Etats Unis proposèrent une loi portant sur les contenus indécents - le CDA : Communication Decency Act - qui, en dernier lieu, a été rejetée par la Court Suprême.
Rappelons les principes ayant accompagné la naissance de PICS. " Développer des technologies donnant aux utilisateurs le contrôle sur les contenus auxquels eux-mêmes et leurs enfants accèdent. Il est espéré qu'une grande diversité de produits et de vocabulaires de classement sera disponible. "
Les normes définies doivent faciliter :
Implicitement PICS utilise les spécificités de l'Internet à savoir la facilité et le faible coût de distribution des informations ainsi que la puissance des ordinateurs pour permettre à chacun de choisir ce qu'il souhaite regarder. Le rôle actif des utilisateurs est aussi mis en avant, PICS responsabilise les parents.
Insistons sur le fait que PICS n'impose aucun vocabulaire mais définit un format commun et neutre pour le codage et la transmission des étiquettes. Tout logiciel de sélection compatible PICS peut lire une étiquette compatible PICS, à l'utilisateur de choisir le logiciel qu'il préfère et l'origine des étiquettes.
Plus d'informations : PICS sur le serveur du W3C - http://www.w3.org/PICS.
L'essentiel de PICS : le vocabulaire qu'il faut maîtriser pour suivre l'article
Les termes importants, à retenir pour la suite, sont marqués en gras, au moment de leur définition, avec leur équivalent anglais indiqué en italique entre parenthèses.
Préalable : les adresses sur l'Internet sont appelées des URLs (Uniform Resource Locator), elles se composent du type d'accès (http) suivi du nom de l'ordinateur (www), du nom de domaine (isoc.org) enfin du chemin d'accès à la ressource (index.html). Ce qui donne finalement : http://www.isoc.org/index.html. Ces adresses sont constamment utilisées par les navigateurs.
PICS proprement dit se compose de deux normes en version 1.1, recommandations stables datées de novembre 1996.
La première norme " Label Distribution Label Syntax and Communication Protocols " définit le format des étiquettes (labels) et les trois manières de les distribuer :
Détaillons les divers composants de l'étiquette : elle contient l'identifiant du service qui l'a créé, paramètre obligatoire composé d'une URL. Autres paramètres : le numéro de la version de PICS utilisée, la date de création, l'auteur, la date d'expiration, la portée (un document unique ou un sous-ensemble d'un site) et pour finir la cote également appelée classement (rating).
Exemple d'une étiquette pour le site de l'ISOC, créée suivant le vocabulaire RSACi qui comprend quatre critères langage (l 0), sexe (s 0), nudité (n 0) et violence (v 0).
PICS-1.1 "http://www.rsac.org/v1.0"
labels on "1997.11.05T08:13-0000" until "1998.11.20T23:59-0000"
for "http://www.isoc.org"
by "John Doe"
ratings (l 0 s 0 n 0 v 0)
La cote est constituée par la partie : (l 0 s 0 n 0 v 0).
L'étiquette intègre deux paramètres de sécurité : un condensé (MIC : Message Integrity Cheks) qui peut être recalculé pour vérifier que l'étiquette s'applique a un contenu qui n'a pas été modifié depuis que l'étiquette a été créée et une signature numérique qui authentifie le service ayant produit l'étiquette.
Théoriquement, le nombre d'étiquettes associées à un même contenu est illimité, qu'elles soient situées avec celui-ci ou dans différents bureaux d'étiquettes.
La deuxième norme " Rating Services and Rating Systems " définit les services et les vocabulaires de classification (rating systems).
Un service est un organisme privé ou public qui crée et éventuellement distribue des étiquettes suivant un vocabulaire donné. Celui-ci comprend différentes catégories permettant de qualifier le contenu. Le vocabulaire RSACi, largement utilisé, définit quatre critères : langage, sexe, nudité et violence, chacun étant gradué de 0 à 4.
PICS n'impose aucun vocabulaire particulier, chaque service choisit ou définit un vocabulaire, le W3C recommande cependant de ne pas multiplier les vocabulaires à l'infini afin de faciliter la mise en œuvre de PICS : délicat équilibre à atteindre. Des vocabulaires peuvent être développés pour évaluer toutes sortes d'informations depuis la qualité d'un document jusqu'au degré de publicité dans une page, tout dépend de l'utilisation recherchée. PICS est flexible.
Le service de classification doit fournir une description de lui-même sous forme d'un fichier (.rat) lisible par des machines. Cette description peut être fournie dans différentes langues, la cote d'une étiquette est indépendante de la langue. PICS facilite l'internationalisation.
Les deux normes précédantes devraient êtes rejointes par la spécification PICSRules, en cours de vote au sein du W3C. Elle définit un langage pour l'écriture de profils (profils) : ensembles de règles qui bloquent ou non l'accès à certaines URLs en fonction du contenu des étiquettes PICS associées à ces URLs. Une syntaxe commune est utile pour partager des profils, configurer rapidement un logiciel de sélection, communiquer avec des moteurs de recherche ou des serveurs sur le Web, simplifier la portabilité entre les produits de filtrage et prendre automatiquement des décisions sur des contenus sans demander ses préférences à l'utilisateur.
Plus d'informations :
Fonctionnement global
Des parents, qui souhaitent utiliser un logiciel de filtrage, vont en choisir un parmi ceux disponibles sur le marché ou utiliser un navigateur compatible PICS. Ils installent le logiciel sur leur machine, puis choisissent le service de classement qui correspond à leurs sensibilités ou à leurs valeurs.
Le logiciel va lire la description du service (fichier .rat) et adapter son
interface pour représenter les différents critères présents dans le vocabulaire choisi par le service. Les parents définissent pour chaque critère le degré qu'ils autorisent. Tout contenu dont l'étiquette ne satisfait
pas aux paramètres définis par les parents sera bloqué.
D'autres architectures sont possibles, le filtrage étant mis en œuvre au niveau d'un serveur proxy ou d'un firewall géré par un fournisseur d'accès ou par le service informatique d'une entreprise.
Les différents maillons de la classification basée sur PICS, de l'auteur au consommateur
Une des propriétés essentielle de PICS est de séparer distinctement la création des étiquettes et
la sélection des contenus. Six rôles peuvent être définis dans la chaîne de classification (reprise de la FAQ PICS, Censorship & Intellectual Freedom) :
Examinons les différents maillons qui interviennent dans la chaîne PICS (tiré en partie, d'un article de C. Dianne Martin, et Joseph M. Reagle) :
Les fournisseurs de contenus
Ils peuvent être commerciaux ou non et aller d'un individu à un grande multinationale, en passant par une université. Suivant le contexte légal et leurs motivations, ils peuvent ou non créer et distribuer des étiquettes dans leurs contenus.
Les fournisseurs d'hébergement (Web farms)
Les fournisseurs d'hébergement fournissent un service à l'attention des individus ou des sociétés qui ne peuvent pas ou ne souhaitent pas disposer de leur propre serveur pour publier des contenus sur l'Internet. Pour se protéger contre l'accusation d'héberger des contenus illicites, ces entités peuvent encourager ou imposer aux fournisseurs de contenus de s'auto-classifier. Par exemple, CompuServe préconise le vocabulaire RSACi à travers une implémentation de Cyber Patrol et encourage ses abonnés privés ou institutionnels à employer RSACi.
Agents et moteurs de recherche
Les moteurs de recherche et les agents peuvent se trouver en dehors du flux direct des contenus. Certains peuvent ne pas utiliser ces dispositifs, cependant ils offrent une valeur ajoutée réelle en permettant de canaliser et de retrouver les informations. A ce titre, les moteurs de recherche peuvent trouver un intérêt à être compatibles avec PICS, cela permettant d'améliorer leurs possibilités de recherche et d'indexage. Cela peut être à son tour une motivation pour les créateurs de contenus d'adopter des vocabulaires de classification compatibles avec PICS.
Robots (bots)
Les robots se promènent de site en site pour trouver les informations demandées par leurs propriétaires. Comme les robots sont des spiders personnels et sélectifs, leurs capacités à retrouver et à ramener les informations sont affectées par PICS de la même manière que les moteurs de recherche. Étant donné qu'ils ont maintenant la possibilité de se transmettre des informations, les étiquettes PICS peuvent devenir le langage leur permettant de communiquer les préférences de leurs propriétaires.
Fournisseurs de services Internet, FAIs (ISPs)
Les FAIs permettent de connecter un point de l'Internet à un autre. Les gouvernements peuvent les voir comme des points de contrôle commodes. Certains gouvernements se sont empressés de les rendre responsables des contenus qu'ils véhiculent. Étant donné que les FAIs ont été au cœur de la controverse, ils ont intérêt à adopter ou à favoriser les vocabulaires de classification [tels que RSACi].
Navigateurs
Les navigateurs sont utilisés pour accéder aux informations du World Wide Web. Microsoft a incorporé le système PICS RSACi dans son Internet Explorer. L'intérêt d'un tel accord pour ces sociétés est de répondre à une préoccupation de contrôle parental ou institutionnel pour la restriction de l'accès aux contenus inopportuns.
Services en ligne, firewalls, proxies et intranets
Ces catégories incluent à la fois les réseaux publics (AOL, CompuServe, Prodigy) et les réseaux privés ou d'entreprise. Ces secteurs ont été particulièrement concernés par les contenus inopportuns. Tandis que les ISPs ont mis en avant un rôle neutre de transporteurs, les services en lignes ont cherché à donner une image familiale. De ce fait, ils ont été parmi les premiers à mettre en place des solutions de sélection comme SurfWatch ou Cyber Patrol. Les entreprises sont également concernées par les activités inopportunes sur leurs réseaux et certaines cherchent à contrôler l'activité de leurs employés à l'aide de logiciels tels que Net Shepherd. Les services de réseaux tels que les serveurs intranets, les firewalls ou les proxies sont également des points de contrôle de la diffusion des informations dans l'entreprise.
Les services d'auto-étiquetage et bureaux d'étiquettes
Théoriquement les vocabulaires peuvent être créés par n'importe quel individu ou organisme public ou privé, mais de fait les vocabulaires existants ont été créés par des organisations qui proposent un service d'auto-étiquetage tels que RSAC, SafeSurf ou un bureau d'étiquettes : NetShepherd, ORC, Microsystem.
Gouvernements, organisations intergouvernementales
Un gouvernement pourrait facilement imposer un vocabulaire. L'initiative INCORE étudie la faisabilité d'un vocabulaire commun en Europe. Le groupe " International Working Group for Content Rating " a été constitué dans le but de définir un vocabulaire de classification commun à l'UE, aux USA, à l'Australie et à d'autres pays. Cette question intéresse également l'OCDE.
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