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    Le greffier.

    « Monsieur Patrice Martin Lalande. »

    Le président.

    « Selon l'usage, je vais vous demander votre nom, votre prénom…

    -- Martin Lalande, Patrice.

    -- Votre âge ?

    -- Je rôde ma cinquantaine.

    -- Ça dure dix ans ! Votre profession ?

    -- Député.

    -- Votre domicile professionnel ?

    -- Lamotte-Beuvron, Loir et Cher.

    -- Est-ce que vous connaissiez Internet avant les faits qui lui sont reprochés, est-ce que vous êtes parent ou allié avec Internet de telle manière que cela contredirait la fiabilité de votre témoignage ?

    -- Nullement.

    -- Vous jurez de parler sans haine et sans crainte, de dire toute la vérité, rien que la vérité, vous levez la main droite et vous dites : je le jure.

    -- Je le jure !

    -- Est-ce que vous pouvez nous dire ce qui, dans votre expérience, peut nous apporter des éclairements sur les rapports entre Internet et la fracture sociale ? »

    Patrice Martin Lalande.

    « Si vous me le permettez, je ferai appel à deux exemples que je connais dans ma commune, de risque d'accroissement des inégalités sociales et de la fracture sociale du fait de l'Internet.

    D'abord pour les écoles : il nous est demandé d'essayer d'équiper les écoles de façon à ce que nos jeunes aient une possibilité d'initiation et d'immersion dans la société de l'information. J'étais hier à l'Assemblée nationale à un débat avec monsieur Fabius, monsieur Santini, monsieur Cochet et quelques autres. André Santini, qui est maire d'Issy-les-Moulineaux, nous a dit : je vais mettre, pour chaque élève, l'équipement qu'il faut. Dans ma commune, les quatre cents élèves de primaire et de maternelle représenteraient, si je devais les équiper, un coût qui est insupportable pour une commune rurale comme la mienne qui a quatre mille cinq cents habitants.

    Cela signifie donc qu'on va rapidement avoir dans les écoles, deux vitesses : les écoles de communes qui ont les moyens -- et je ne le leur reproche pas, tant mieux ! -- et les écoles de communes rurales -- la plus grande partie des communes seront dans cette situation-là -- qui vont donc ne pas avoir les mêmes moyens d'équipement. Et donc, dès leur plus jeune âge, les français vont se trouver, selon leur capacité d'accès à l'Internet, dans la bonne case ou dans la mauvaise case.

    Il y aura donc là, pour ce qui est de l'accès à la connaissance, véritablement un risque d'accroissement de l'inégalité, un risque d'accroissement de la fracture sociale. Et d'ailleurs, ce risque est encore aggravé par le fait que certains s'ingénient à organiser l'obsolescence des matériels et des logiciels, ce qui fait qu'il va falloir toujours remplacer plus vite, à tel point que notre ministre de l'Éducation envisage -- si j'ose dire allègrement -- de nous faire louer les matériels et non plus les acheter, tellement il est impossible d'investir durablement. Donc cette accélération de l'obsolescence va encore aussi aggraver la fracture entre les communes pour l'équipement des écoles.

    Autre exemple que je connais dans ma commune aussi. J'ai eu la chance de pouvoir faire implanter une entreprise qui fait du télé-travail et du télé-service et qui, notamment depuis deux ans développe des pages pour l'Internet -- le Web -- et elle a faillit être mise en difficulté par le coût des communications : quatre cent mille francs par an pour la location d'une ligne spécialisée entre Paris et Lamotte-Beuvron. C'est énorme ! Heureusement, la crise est passée mais ça met en cause le maintien de ce style d'activité. Or justement, vingt trois personnes ont trouvé un emploi grâce à cela, des jeunes qui ont de bac + 2 à bac + 5 et qui auraient été condamnés sans cela à partir sur les grandes villes, à déserter le pays où ils veulent continuer à vivre et ils seraient donc des candidats à l'accroissement des difficultés de la vie en agglomération avec ce que cela représente pour la collectivité comme coût. Et là aussi, il y a un risque au point de vue de l'égalité d'accès aux nouveaux emplois avec le coût des communications.

    L'Internet peut tout à fait accélérer le développement de certaines activités dans certains endroits grâce aux facilités et au coût moins grand des communications et le rendre plus difficile dans certains autres endroits tant que les choses sont en l'état en France -- vive la concurrence -- je pense qu'un certain nombre de choses vont changer.

    Voilà ce que je voulais vous dire, monsieur le président, parce que sur ces deux terrains-là -- la connaissance pour les élèves, l'emploi pour les salariés -- il y a des risques sérieux d'accroissement de la fracture sociale et, tels qu'on les vit dans une petite commune comme la mienne, ils nous inquiètent. »

    Le président.

    « La cour vous remercie. On va vous poser des questions avec tous les autres témoins. Si vous voulez prendre place, attendre ici pendant qu'on entend les autres. »

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Audition de Patrice Martin Lalande
Accueil Rétrospective Procès Loi OnTheInternet Pics Contact
Avant-propos
Introduction
Chefs d'inculpation
Inculpation 1
Jury
Partie civile
Témoins, experts
Interrogatoire
Lecture de l'acte
Demande report
A. Miller
Q. Miller
A. Lasfargues
A. Soriano
A. Jousselin
Q. témoins
Pièces
Reprise
Partie civile
Avocat général
Défense
Inculpation 2
Lecture de l'acte
Témoins, experts
A. Guglielmi
A. Aumont
Q. témoins
A. Pouzin
A. Georges
Q. témoins
Partie civile
Avocat général
Défense
Accusé
Verdict
Inculpation 3
Jury
Lecture de l'acte
Interrogatoire
Pièces
Témoins, experts
A. Mathias
A. Martin Lalande
A. Léon
A. Pélissier
A. Godin
Q. témoins
Partie civile
Avocat général
Défense
Inculpation 4
Lecture de l'acte
Témoins, experts
Pièces
A. Villain
A. Beaussant
A. Novaro
A. Soubeyrand
Q. témoins
Partie civile
Partie civile
Avocat général
Défense
Clôture
Verdict, sentence
Mot de la fin
Interventions
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