Sonnerie.
L'huissier.
« La cour ! »
Le président.
« L'audience de la cour d'assises virtuelle est ouverte. Vous pouvez vous asseoir. Garde, faites entrer l'accusée.
Accusée, je vais vous demander votre nom et votre prénom.
-- Internet, e-toile.
-- Votre domicile ?
-- Le cyber espace.
-- Quelle est votre activité ?
-- Je suis là pour relier plus facilement les gens et pour les aider dans leur vie quotidienne, dans leurs loisirs, dans leur travail.
-- Bien, vous pouvez vous asseoir. Je vais procéder à l'appel des jurés. »
« Les jurés, à l'appel de leur nom, voudront bien venir rejoindre la cour, s'ils ne sont pas récusés par le ministère public ou par la défense. Je rappelle que la loi prévoit que le ministère public a droit à quatre récusations, que la défense a droit à cinq récusations et que tous les jurés qui comparaissent devant cette cour doivent présenter tous signes extérieurs et intérieurs d'impartialité.
J'appelle madame Julie Audren qui est étudiante.
Monsieur Jean-Michel Billaut, président du Club de l'Arche et de l'Atelier. »
Le juré s'avance, il porte une cravate rouge avec le logo de la fête de l'Internet.
L'avocate de la partie civile.
« Ha ! Non, monsieur le président ! Non, je n'ai pas droit à la récusation, mais enfin tout de même ! Monsieur, qu'est-ce ?
-- Une cravate…
-- Expliquez-vous ! »
Le président.
« Qu'est-ce que c'est que cette cravate, monsieur le juré ?
-- Pardon ?
-- Qu'est-ce que c'est que cette cravate ?
-- Et bien, c'est une cravate que j'ai trouvée…
-- Qu'est-ce qu'il y a de marqué dessus ?
-- Alors attendez, je vais vous dire… fête de l'Internet…
-- Ha ! Je crois qu'il va falloir que vous changiez de cravate parce que c'est un signe extérieur de partialité. Moyennant l'abaissement de ce signe extérieur, vous serez un juré impartial, donc… »
L'avocate de la partie civile.
« Monsieur le président, j'aimerais tout de même qu'il soit donné acte que ce juré a dû changer de cravate, que madame le greffier en prenne bonne note…
-- Mais la cour va vous en donner acte et madame le greffier va noter que monsieur Billaut à l'audience du procès de la cour d'assises virtuelle de Paris a été obligé de changer sa cravate.
-- Je vous en remercie monsieur le président. »
Le juré enlève la cravate incriminée, la met dans sa poche et la remplace par une nouvelle plus sobre.
Le président.
« Vous pouvez prendre place monsieur Billaut.
Monsieur Pierre-José Billote, président du Groupe Ténor. Monsieur Billote a une cravate tout à fait convenable !
Monsieur Philippe Lucet de Vecam.
Monsieur Bill Gates… Il n'est pas là ? Est-ce que le ministère public a des réquisitions à prendre sur l'absence de Monsieur Bill Gates ? »
L'avocat général.
« Monsieur Bill Gates étant absent, je pense que l'amende qui est prévue dans un tel cas s'impose, vous apprécierez. »
Le président.
« Il n'y a pas d'observation de la défense ?
-- Non, monsieur le président.
-- Et bien la cour d'assises virtuelle condamne monsieur Bill Gates à la peine prévue par la loi pour les jurés qui sont défaillants, qui n'a pas changé depuis trente ans : une peine d'amende de cent francs. Ces cent francs d'amende devront être payés par monsieur Bill Gates. Si l'état d'impécuniosité de monsieur Bill Gates l'empêchait de payer l'amende, la cour est toute disposée à apprécier le montant de cette amende après qu'il ait sollicité le bénéfice de l'aide juridictionnelle ! »
Rires dans le public.
« Monsieur José Monteiro, responsable du département Propriété Industrielle, société l'Oréal.
Monsieur Gubler, docteur en médecine. »
L'avocat général.
« Récusé, monsieur le président ! »
Le président.
« Nous vous donnons acte de cette récusation.
Madame Marie Plassard, institutrice.
Madame Chantal Roussel, infirmière.
Madame Françoise Thiébault, de l'Union Nationale des Associations Familiales.
Et enfin, monsieur Arnaud Brunet du service juridique d'IBM Europe.
Mesdames et messieurs les jurés veuillez vous lever. Vous allez prêter ensemble le serment dont je vais vous donner lecture. Vous jurez et promettez d'examiner avec l'attention la plus scrupuleuse les charges qui seront portées contre l'accusé Internet, ici présent, de ne trahir ni les intérêts de l'accusé, ni ceux de la société qui l'accuse, de ne communiquer avec personne jusqu'après votre déclaration, de n'écouter ni la haine, ni la méchanceté, ni la crainte, ni l'affection, de vous décider d'après les charges et les moyens de défense suivant votre conscience et en votre intime conviction, avec l'impartialité et la fermeté qui conviennent à un Homme probe et libre et de conserver le secret des délibérations, même après la cessation de vos fonctions. Vous levez ensemble la main droite et vous dites : je le jure.
-- Je le jure !
Vous pouvez vous asseoir. La cour constate que le jury est légalement et définitivement constitué.
Je rappelle à mesdames et messieurs les jurés qu'ils peuvent prendre des notes de tout ce qui est dit dans le procès, qu'ils peuvent poser des questions par mon intermédiaire ou directement, à condition de ne jamais montrer un sentiment de défiance ou de confiance à l'égard de l'accusé, de manière à ne pas laisser transparaître leur opinion. »
© 1998-2001 denoue.org