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    L'huissier.

    « La cour ! »

    Le président.

    « L'audience est reprise. Vous pouvez vous asseoir. Garde, faites entrer l'accusée !

    Accusée, voici la réponse de la cour et du jury aux questions qui leur étaient posées :

    L'Internet est-il coupable d'avoir volontairement accéléré la fracture sociale en ce sens que l'Internet est coûteux ? Non coupable !

    L'Internet renforce t-il l'inégalité d'accès à l'information et à la connaissance ? Non coupable !

    La présence de l'Internet est devenu un facteur discriminant dans la hiérarchie sociale. Non coupable !

    L'Internet a condamné à mort le Minitel, privant ainsi une bonne partie de la population d'un accès facile… on aurait pu rajouter : et onéreux… à des informations diverses. Non coupable !

    L'accusé Internet est-il coupable d'avoir dans le cyber space, volontairement rendu possible la propagation de contenus illicites et favorisé la commission de nombreuses infractions, en ce sens que l'Internet permet d'accéder à des contenus sexuellement explicites contraires à l'ordre publique et encourage les comportements indécents contraires aux bonnes mœurs ? La réponse est oui, à la majorité de huit voix au moins ! Internet est déclaré coupable, mais en qualité de complice.

    L'Internet est-il coupable d'avoir volontairement rendu possible la propagation de contenus illicites en ce qu'il n'autorise pas la confidentialité des communications mais permet la circulation de données cryptées pouvant faire obstacle aux enquêtes policières ? La réponse est non, à la majorité simple ! Donc, non coupable. L'Internet est-il coupable de permettre de nombreuses soustractions frauduleuses ? La réponse est oui, à la majorité de huit voix au moins, mais en qualité de complice, par fourniture de moyens !

    L'Internet est-il coupable de permettre de réaliser des achats illicites ? La réponse est oui, à la majorité de huit voix au moins, mais en qualité de complice, par fourniture de moyens !

    L'Internet est-il coupable d'être le lieu de nombreux foyers de sédition et d'être incapable de contrôler les excès qu'il sécrète ? La réponse est non !

    À la suite des réponses qui ont été faites, la cour et le jury réunis ont prononcé la peine suivante -- je vais aller plus doucement : Internet est condamnée à la déconnexion avec sursis. Si, dans un délai de cinq à dix ans, elle respecte les obligations que la cour virtuelle a édicté, Internet ne sera pas déconnectée. Si ces obligations ne sont pas respectées, la Fête de l'Internet sera chargée de mettre à exécution le présent arrêt.

    Voilà les obligations que vous avez à suivre et que vous devrez accomplir dans un délai de cinq à dix ans et, nous y veillerons : obligation de se soumettre à des règles internationales précises, garantissant les libertés individuelles et favorisant la coopération en matière de recherche et poursuite d'infractions. Obligation de se soumettre à la réglementation édictée par les États -- qui devront le faire -- pour en réguler les excès. Obligation pour Internet de se soumettre à des soins techniques conformes à une déontologie acceptée par les acteurs de l'Internet. Obligation pour l'Internet de former ses utilisateurs à une éthique du comportement, car les utilisateurs sont les premiers responsables des crimes imputés à Internet.

    La cour charge le comité d'organisation de la Fête de l'Internet de veiller à l'application de la présente sentence et de lui en faire rapport afin qu'elle se réunisse à l'expiration du délai prévu, dans dix ans, pour l'éventuelle révocation du sursis qui serait prononcé à l'égard d'Internet.

    Accusée, vous avez cinq jours pour vous pourvoir en cassation. Passé ce délai, vous n'y seriez plus recevable.

    La cour déclare recevables les constitutions de parties civiles qui ont été prononcées.

    À la fin de ce procès, je crois qu'il est important de dire et de redire qu'Internet est globalement positif pour la manière dont les choses se passent et que, s'il y a lieu d'être contre une partie de ce que fait Internet, pour reprendre le mot de Sacha Guitry, ce mot était pour les femmes : je suis contre Internet, tout contre !

    L'audience est levée ! »

    Applaudissements.

    « Attendez ! Attendez ! Elle n'est pas levée. Emporté par mon élan, j'ai oublié de vous dire que la cour, c'est une habitude dans les arrêts des cours d'assises françaises, motive sa décision. Deux jurés vont expliquer les motifs de l'acquittement sur la fracture sociale. »

    Arnaud Brunet.

    « En ce qui concerne la fracture sociale, je voudrais dire que les débats ont été riches, de haute volée, mais j'avoue qu'en l'occurrence, je suis juge et partie, donc mon avis n'a pas grande importance !

    Donc, en ce qui concerne le chef d'inculpation Internet : un accès à la connaissance pour tous ou une accélération de la fracture sociale, le jury a constaté qu'hélas, la fracture sociale est née antérieurement au développement de l'Internet, qu'Internet en est peut-être quelquefois le révélateur, mais certainement pas ni la cause, ni l'accélérateur, que comme toute nouvelle technique, elle n'est pas accessible à l'ensemble de la population dans un premier temps mais le jury est confiant que cet accès se fera dans un temps relativement bref et souhaite, pour le bien de tous, que cet accès se fasse au moindre coût. »

    Le président.

    « Alors, maintenant, la motivation sur les contenus illicites. »

    Philippe Lucet.

    « Sur les contenus illicites, la question qui était posée était de savoir si Internet a volontairement -- et nous avons beaucoup discuté sur ce thème -- rendu possible la propagation de contenus illicites et favorisé la commission d'infractions. En fait, nous avons décomposé la question de cette manière : savoir si les faits étaient avérés et savoir s'il y avait une volonté de l'accusé.

    Nous avons tous constaté qu'il y avait une accélération des contenus illicites mais nous n'avons pas pu décider si Internet était simplement un outil ou l'auteur du délit. En réalité, toute la question était de savoir si Internet a eu la volonté de favoriser la commission d'une infraction. À notre avis non. C'est pour cela que nous pensé qu'Internet n'était pas le lieu de foyers de sédition, mais qu'en revanche, Internet était coupable, par fourniture de moyens, pour ce qui est des questions 1 et 3, à savoir : Internet favorise-t-il les contenus illicites et les entraves aux bonnes mœurs et Internet permet-il de commettre plus facilement des actions frauduleuses ? »

    Le président.

    « Voilà l'explicitation.

    Alors, le président a pris trop de pouvoir, il faut qu'il le rende à celui qui a créé cette cour. Avant de dissoudre la cour virtuelle qui a fait un travail sérieux, mais qui ne se prend pas au sérieux, je voudrais simplement, selon la formule consacrée -- et avant de redonner la parole à maître Iteanu -- dire à l'accusée qu'avant de faire son pourvoi en cassation, il faut qu'elle demande bien conseil à son avocat. Si l'affaire est cassée et qu'elle va dans une cour d'assises plus sévère que nous, cela pourrait être bien pire ! »

    Applaudissements.

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Verdict et sentence
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Avant-propos
Introduction
Chefs d'inculpation
Inculpation 1
Jury
Partie civile
Témoins, experts
Interrogatoire
Lecture de l'acte
Demande report
A. Miller
Q. Miller
A. Lasfargues
A. Soriano
A. Jousselin
Q. témoins
Pièces
Reprise
Partie civile
Avocat général
Défense
Inculpation 2
Lecture de l'acte
Témoins, experts
A. Guglielmi
A. Aumont
Q. témoins
A. Pouzin
A. Georges
Q. témoins
Partie civile
Avocat général
Défense
Accusé
Verdict
Inculpation 3
Jury
Lecture de l'acte
Interrogatoire
Pièces
Témoins, experts
A. Mathias
A. Martin Lalande
A. Léon
A. Pélissier
A. Godin
Q. témoins
Partie civile
Avocat général
Défense
Inculpation 4
Lecture de l'acte
Témoins, experts
Pièces
A. Villain
A. Beaussant
A. Novaro
A. Soubeyrand
Q. témoins
Partie civile
Partie civile
Avocat général
Défense
Clôture
Verdict, sentence
Mot de la fin
Interventions
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