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    Le président.

    « Je vais demander aux témoins de se lever pour répondre aux questions. Je vais demander à la partie civile si elle a des questions à poser, soit aux témoins, soit aux experts, en s'adressant directement à eux. Ensuite, je demanderai au ministère public de poser ses questions et la défense posera les siennes en dernier.

    Est-ce que la partie civile a des questions à poser ? »

    L'avocate de la partie civile.

    « Oui, j'ai une question, monsieur le président, à monsieur l'expert Léon. J'aimerais que celui-ci nous dise si à son avis, le télétravail peut être un moyen de repeupler les campagnes. »

    Yves Léon.

    « Monsieur le président, je peux répondre de manière précise par des exemples. Actuellement le Vercors, qui est donc mon lieu de télérésidence en matière de travail, est en train de se repeupler. Le téléespace du Vercors a été créé il y a maintenant quinze mois, avec quarante espaces de travail. Ces espaces ont été occupés en moins d'un an, au point que le téléespace du Vercors est en train de penser à une deuxième tranche. C'est un premier aspect !

    Par contre, je voudrais souligner des difficultés secondaires qui peuvent apparaître. Les routes d'accès dans les téléespaces -- routes d'accès dans des points reculés de la campagne -- sont souvent des chemins vicinaux et il y a une nécessité de réaménager ces chemins, probablement en prenant dans les crédits de l'État des sommes qui sont actuellement affectées à des opérations autoroutières, pour les re-router, si je puis employer un terme technique, vers des opérations totalement campagnardes.

    -- L'image est parlante ! »

    L'avocate de la partie civile.

    « Je vous remercie, monsieur le président.

    -- Est-ce que vous avez d'autres questions à d'autres témoins ?

    -- Je vous remercie, j'ai terminé.

    -- Je vais demander au ministère public les questions qu'il a à poser aux témoins et aux experts qui sont présents, en indiquant auprès de qui vous adressez votre question. »

    L'avocat général.

    « Si vous me permettez, avant de poser deux questions, j'aimerais faire une toute petite remarque, eu égard à ce qu'a dit monsieur Paul Mathias. Je voudrais me poser là en tant que magistrat et, à ce titre, je vais vanter de manière zélée le ministère de la Justice. Je tiens à souligner que le Journal Officiel est disponible sur Internet, sur le site Legifrance , et c'est un site du gouvernement français qui est notamment…

    -- Cinq jours ! J'ai expérimenté : cinq jours de journal.

    -- Pourquoi ? Tout le Journal Officiel de l'année 98, par exemple, est disponible je crois…

    -- Je ne sais pas s'il y a un témoin dans la salle qui veut confirmer… En l'état, c'est cinq jours. Pour le reste, il faut payer… Mais c'est un bon début !

    -- Je vous avoue que je n'ai regardé qu'une partie du JO… »

    Yves Léon.

    « Je peux vous fournir un détail technique : depuis le 1er janvier, les journaux se cumulent. Ceci dit, sur le plan technique, un problème va se poser en matière de temps de réponse. Le temps de réponse est en train de se dégrader légèrement. Avant le 1er janvier, je pense que monsieur a raison. »

    Le président.

    « Le principe est en tout cas très bon. »

    L'avocat général.

    « Justement, puisque monsieur Léon parlait, j'aurai une question à lui poser. Il a évoqué le télétravail qui, manifestement, ne peut s'appliquer qu'aux professions intellectuelles et non pas à ceux qui font commerce de leur force physique de travail. Deux questions à cet égard. Est-ce qu'il ne pense pas, tout d'abord, que cela va accentuer la fracture sociale entre les professions intellectuelles et celles qui ne le sont pas ? Et, de surcroît, est-ce que le télétravail ne va pas permettre une évasion de toutes les professions dites intellectuelles vers des paradis fiscaux et, à cet égard, est-ce que cela n'accentuerait pas plus encore la fracture sociale ? »

    Yves Léon.

    « En ce qui concerne la première question, je pense que ce n'est pas Internet qui est en cause. Il y a une différence entre le travail intellectuel et le travail émanant de la force physique : c'est une réalité. Il me semble que votre question appelle une réponse qui est claire : oui, il y a une différentiation entre ces deux formes d'activités qui sont rémunérées -- télétravail ou pas. C'est un premier point.

    Un deuxième point et une deuxième question que vous me posez : le risque d'évasion, vous l'avez vous-même dit dans votre question, est lié à la fiscalité. La fiscalité du télétravailleur reste à inventer en France et probablement en Europe. Si ce problème n'est pas réglé, je pense qu'on va vers des difficultés telles que celles que vous évoquez. Si l'on accepte de traiter ce problème qui est vaste parce qu'il touche probablement la fiscalité des collectivités territoriales, je pense qu'à ce moment-là les choses peuvent évoluer de manière totalement positive.

    Je ne peux pas répondre de manière… binaire. Je ne peux répondre qu'en me projetant sur le futur. »

    Le président.

    « Est-ce que vous avez d'autres questions à d'autres témoins, monsieur ?

    -- Oui, j'aurais également une question à madame Godin qui, en tant que maire-adjointe de Billancourt, a mis en place un espace cyber jeunes. Elle a souligné elle-même que la plupart des jeunes qui accédaient et qui se portaient spontanément vers ce site étaient titulaires du baccalauréat. J'imagine que la plupart de ces jeunes utilisent ce site afin de trouver un emploi ou, qu'en tout cas, une partie d'entre eux doit utiliser ce site à ces fins.

    Est-ce qu'il n'y a pas à cet égard, une accumulation de la fracture sociale en ce que les offres d'emplois proposées par le biais d'Internet sont surtout des offres d'emplois qualifiés. J'imagine que l'on doit trouver assez peu d'emplois très peu ou pas qualifiés sur Internet. Le site doit être fréquenté essentiellement par des jeunes gens de la bonne société qui disposent en poche de diplômes qui leur permettent déjà une insertion assez confortable dans la société. »

    Marie-Laure Godin.

    « Effectivement, on trouve plus d'emplois qualifiés sur Internet que d'emplois peu ou pas qualifiés. Cela dit, c'est en train de changer et très très rapidement. Depuis quelques mois, notamment, on voit apparaître beaucoup de sites de sociétés d'intérim qui proposent beaucoup de postes peu ou pas qualifiés. Cela se développe beaucoup.

    Il est à noter quelque chose de très important aussi : sur beaucoup de sites francophones, on trouve des offres d'emplois très peu qualifiés. Alors vous allez me dire que ce n'est pas en France ! Je suis tout à fait d'accord avec vous, mais ça prouve qu'Internet peut quand même aussi proposer des offres d'emplois peu qualifiés et je pense que cela va arriver en France et se développer très très vite -- en tous les cas, je l'espère. »

    Le président.

    « Vous avez d'autres questions ?

    -- Pas d'autres questions, monsieur le président.

    -- Pour la défense d'Internet ? »

    L'avocate de la défense.

    « Monsieur le président, j'ai une question à poser à monsieur Léon. Monsieur Léon, vous portez des lunettes… »

    Le président.

    « Est-ce que vous portez des lunettes, monsieur Léon ?

    -- Je porte des lunettes, de manière ponctuelle… »

    L'avocate de la défense.

    « Vous les avez enlevées… par coquetterie ?

    -- Je les ai enlevées, non pas par coquetterie, mais parce que je vous vois mieux ainsi madame !

    -- Est-ce que vous portiez des lunettes avant de devenir télétravailleur ?

    -- La réponse est malheureusement oui.

    -- Je vous remercie monsieur l'expert. »

    Le président.

    « Je vous vois venir, maître Feral-Schuhl ! Je vous vois venir…

    -- Je voudrais poser une question aussi à monsieur Mathias qui nous a parlé des blue-jeans. Vous portez des blue-jeans monsieur Mathias ?

    -- Je porte très fréquemment des blue-jeans.

    -- Je vous remercie. J'ai encore une question monsieur le président… à monsieur Pélissier. Est-ce que vous avez un téléphone portable monsieur ?

    -- Oui, j'en ai un.

    -- Vous vous en servez ?

    -- Régulièrement pour mon activité professionnelle.

    -- Et vous payez combien d'abonnement mensuel ?

    -- C'est très variable, puisque la concurrence fait que cela change régulièrement… mais c'est de l'ordre de… deux cents francs par mois.

    -- Je vous remercie monsieur.

    Monsieur le député, une question : vous êtes cyber député ?

    -- Pas encore assez à mon goût puisque l'Assemblée Nationale a du retard par rapport au Sénat pour l'équipement des députés. Nous attendons encore un certain nombre de branchements. On est doté de portables depuis un mois et demi mais il n'y a pas les branchements qu'il faut dans les bureaux. Mais ça va venir ! En revanche, il y a un gros progrès depuis sept ou huit mois puisqu'il y a un plan d'ensemble pour équiper les députés, et des crédits nous sont même annoncés.

    Donc tout cela est bien et en plus, il y a une évolution des mentalités parmi les députés et leurs collaborateurs qui sentent bien que l'on est particulièrement destiné, comme les travailleurs nomades que nous sommes, à utiliser les réseaux pour être constamment, ce que nous demandent nos électeurs, à la fois à l'Assemblée Nationale et dans la circonscription au même moment. »

    Le président.

    « C'est-à-dire que vous allez résoudre le problème de l'ubiquité de l'élu par l'Internet. C'est un des moyens…

    -- C'est ça ou le clonage !

    -- De là à ce qu'il y ait une image cyber du député dans une assemblée électorale…

    -- Peut-être, ça va nous aider en tout cas. »

    L'avocate de la défense.

    « Vous considérez utiliser le courrier électronique ?

    -- On le fait déjà, je le fais déjà.

    -- Donc, vous discourez avec nos concitoyens…

    -- Oui, on répond et on enregistre un certain nombre de possibilités nouvelles d'information pour notre compte. C'est vrai que c'est quand même un petit peu limité pour l'instant mais enfin ça vient. Ça vient et ça oblige d'ailleurs à ajouter au tri du courrier, aux appels téléphoniques et au fax, une nouvelle catégorie d'entrée possible de récriminations. C'est normal, c'est la démocratie, mais ça nous donne aussi des armes pour répondre.

    -- Donc cela facilite le rapport avec les concitoyens…

    -- Oui, je le pense, tout à fait ! Ce que je souhaite, c'est qu'on ne tombe pas dans une espèce de démocratie de l'immédiat ou d'un système dans lequel on demanderait de décider sous la pression, dès qu'il y a un problème. Je crois qu'il faut qu'il y ait un peu de distance entre le moment où l'on appréhende un problème et le moment où l'on apporte une réponse. On n'a pas besoin d'être, comme avec des sondages d'opinion ou avec d'autres moyens, immédiatement obligés de donner une réponse à tous les problèmes selon le sentiment qu'en a l'opinion publique à tel ou tel moment. Donc : oui à un outil qui nous permettent de nous rapprocher, non à un outil qui ne maintiendrait pas le recul nécessaire pour décider en faisant des synthèses. Les hommes politiques sont en principe là pour tenir compte d'un certain nombre d'éléments, pour faire des synthèses entre les préoccupations et trouver une solution d'intérêt général. »

    L'avocate de la défense.

    « Je vous remercie monsieur le président. »

    Le président.

    « Très bien, on vous remercie de votre témoignage. S'il n'y a pas d'autres questions… Il y a des questions des jurés peut-être… »

    Arnaud Brunet.

    « Nous voudrions savoir -- c'est une question à monsieur le député -- si Internet est un outil qui va permettre, voire justifier, le cumul des mandats.

    -- J'espère que non. C'est vrai que ça nous donne des possibilités de travailler plus souplement et à distance. Mais, très franchement, je pense que, comme dans les autres démocraties, être parlementaire devrait être un travail exclusif de toute autre préoccupation, de toute autre activité. J'espère qu'on va y aller et contrairement à ce que disent un certain nombre de mes petits camarades, je suis persuadé que l'on n'a pas besoin de cumuler pour être informé de la réalité du terrain. Il suffit d'y être et d'écouter, d'ouvrir les oreilles, et l'Internet peut nous permettre de démultiplier ces moyens d'écoute. Je pense donc, au contraire, que l'Internet nous permettra d'éviter le cumul des mandats… mais je compte plus sur la loi pour cela que sur Internet. »

    Le président.

    « En tout cas, dans les actes de la cour, il sera donné acte qu'Internet ne sera pas un moyen pour justifier le cumul des mandats. Ce sera un acte judiciaire important !

    Est-ce qu'il y a d'autres questions des jurés ? »

    Jean-Michel Billaut.

    « Je voudrais demander à monsieur le député et à monsieur l'expert s'ils pensent que l'Internet peut permettre à d'autres administrations françaises de rendre de meilleurs services aux citoyens à des coûts plus faibles et donc… de réduire nos impôts. »

    Le président.

    « Ce n'est pas une question ! Ce qui montre qu'on a bien fait d'enlever la cravate de monsieur Billaut tout à l'heure… »

    Patrice Martin Lalande.

    « Elle a dû serrer trop fort ! … Oui, je crois que l'Internet doit être une occasion et un moyen de rénover le fonctionnement de l'administration de État comme des collectivités, et donc d'alléger les coûts de cette administration. Par exemple, dans le rapport -- pardonnez-moi, monsieur le président, mais j'ai quand même fauté autrefois -- dans le rapport que j'ai commis sur l'Internet, nous avions évalué à cinq cents millions de francs l'économie possible pour les entreprises françaises en pouvant télédéclarer au point de vue fiscal, douanier et social, toutes les démarches qui pour l'instant sont faites par voie de papier. Il y a donc des économies à faire pour les entreprises et pour l'administration.

    Je crois d'ailleurs que les choses bougent dans ce sens-là et que l'administration commence même à donner l'exemple. Plusieurs ministères ont fait des bonds considérables depuis un an, je m'en réjouis. Mais il y a un problème culturel quand même, pour les fonctionnaires comme pour les salariés du secteur privé, pour les cadres administratifs comme pour ceux du secteur privé, à accepter la réorganisation du travail et c'est peut-être ça qui est le plus difficile à faire passer. »

    Le président.

    « Est-ce qu'il y a d'autres questions ? »

    José Monteiro.

    « Ma question est pour monsieur Léon. On sait que la solitude est une des causes importantes de suicide en France. Est-ce qu'Internet, dans la mesure où il favorise la solitude, ne va pas aggraver ce phénomène ?

    -- Je suis marié. »

    Le président.

    « Et malgré Internet, vous êtes toujours marié ?

    -- Je suis toujours marié malgré Internet.

    -- Bien, répondez à la question du juré… »

    Yves Léon.

    « Je voudrais peut-être compléter la première réponse par des chiffres précis. Actuellement, les téléprocédures sont en train de s'installer en France, de manière concrète, dans des domaines à la fois nationaux et territoriaux. De manière territoriale, l'exemple que l'on donne c'est l'Isère où la préfecture de l'Isère ouvre un service de télédéclaration. Sur le plan national, toute une série d'informations est maintenant disponible sur les sites et la fréquentation de ces sites est exponentielle, c'est-à-dire que les gens s'en servent véritablement.

    Il est vrai que cela pose des problèmes de réadaptation aux fonctionnaires mais je pense que l'administration est en train d'amorcer une mutation profonde.

    Je voudrais dire qu'on peut regarder ce qui se passe dans notre pays, en France, et ce qui se passe dans d'autres pays, en particulier aux États-Unis. Je peux apporter le témoignage d'un homme comme Dave Dorman qui est le président de PointCast, donc un des acteurs majeurs de cette civilisation de l'Internet. Il considère que l'administration française, grâce au passé que nous a donné le Minitel, est en train, non seulement de rattraper, mais de devancer l'approche américaine sur tout l'aspect téléprocédures. C'est un point factuel.

    La deuxième question qui est beaucoup plus délicate : je crois que la technologie n'est ni morale, ni immorale. Elle est amorale. Et je crois qu'il en va d'Internet comme du reste sur le plan de la technique. Ceci dit, on peut donner là aussi un fait. Il semblerait d'après ce que l'on a mesuré à Parthenay -- qui est un des exemples connus en matière de volonté politique, mais peut-être que les élus présents pourraient donner d'autres témoignages précis -- que la notion de voisinage, au sens de relations quotidiennes -- la recréation de la veillée des campagnes d'autrefois -- a été rendue possible, curieusement, par Internet. Dit autrement : on découvre son voisin sur Internet avant d'aller le retrouver dans le café du coin ! »

    Le président.

    « Cela nous a été dit hier. Quelqu'un a retrouvé son voisin d'en dessous par Internet alors qu'il aurait pu le rencontrer dans l'ascenseur… »

    François Pélissier.

    « On parle de fracture sociale et de solitude. Je crois qu'il y a quelque chose de fondamental avec l'Internet : sa capacité d'être un outil interactif. Nous avons travaillé à quelques expériences, notamment avec les personnes âgées. La télévision, la radio, c'est bien mais c'est souvent un média qui ne vous permet pas d'échanger. Et on a eu quelques expériences de personnes âgées qui ont redécouvert la complicité avec leurs petits-enfants, avec des groupes d'échanges qui ne se voyaient qu'une fois par semaine. Ces expériences sont tout à fait prometteuses et très encourageantes pour permettre à tous ces gens de s'évader, de retrouver, de nouer des contacts et d'utiliser cet outil comme un véritable facteur de rapprochement et une source d'épanouissement et de bonheur. On n'en est qu'au début.

    Je voudrais juste citer que les experts les plus optimistes, quand le téléphone est sorti, pensaient que c'était un outil fabuleux car on allait pouvoir y entendre l'opéra et les médecins allaient pouvoir faire de la consultation à distance. Les pessimistes pensaient que ça ne marcherait jamais parce que les bourgeois n'accepteraient pas d'être sonné par une boîte noire dans le coin du salon. C'était les experts de l'époque, alors je me dis qu'aujourd'hui, sur la solidarité, la fracture sociale et l'Internet, il y a aussi un grand décalage entre ce qu'on pense que ça donnera et ce qu'on pourra en faire. À nous d'être créatifs pour que chaque personne de cette société l'utilise à des fins tout à fait intéressantes. »

    Marie-Laure Godin.

    « Une toute petite anecdote : le directeur de l'espace cyber jeunes de Boulogne a été témoin d'un mariage entre une jeune femme et un jeune homme qui se sont rencontrés à l'espace cyber jeunes de Boulogne. »

    Le président.

    « Ha ! C'est joli ! Ça fera des cyber bébés ! Une autre question ? »

    Françoise Thiébault

    « Internet va t-il être facteur d'emploi ou de chômage ?

    -- Voilà une bonne question. Qui peut répondre ? Est-ce qu'Internet créera des emplois ou en supprimera ? »

    François Pélissier.

    « Là, je reprends ma casquette de chef d'entreprise. Si l'on regarde ce qui se passe aux États-Unis et si l'on regarde ce que va devenir cette société, cela fait déjà de nombreuses années que le chiffre d'affaires fait par tout ce qui est informatique -- commerce électronique -- a dépassé le chiffre d'affaires de toute l'industrie automobile.

    Je crois que l'on rentre maintenant dans la période où, après avoir effectivement entraîné des suppressions d'emplois, les nouvelles technologies vont être un formidable facteur de création d'emplois et de richesse. Ce ne sera pas forcément les mêmes qu'auparavant mais il va y avoir dans le monde une activité très très intense de fabrication d'outils pédagogiques de commerce électronique. Je crois que l'on est maintenant rentré dans une phase de création d'emplois. À nous de pouvoir mettre le pied à l'étrier à toute une catégorie de population pour laquelle ces emplois sont effectivement des emplois de type nouveau.

    -- Est-ce qu'il y a encore une question ? »

    Un juré.

    «L'éducation des adolescents est à mon avis une question importante pour la société d'aujourd'hui et celle de demain. Ma question est la suivante : est-ce que vous pensez que la structure de l'outil Internet favorise ou défavorise la structuration mentale des adolescents ? »

    Paul Mathias.

    « L'Internet ne présente pas de véritable particularité, me semble t-il, si on compare les exigences d'une lecture ou d'une écriture sur les réseaux aux exigences d'une lecture ou d'une écriture à l'école.

    On apprend en principe à lire et à écrire à l'école. On l'apprend difficilement. Il se trouve que finalement à dix-huit - vingt ans, on ne sait pas très bien lire -- quoiqu'on en dise -- c'est-à-dire que l'on a beaucoup de mal à lire des textes, à en tirer la substance quand on a dix-huit, vingt ou quarante ans. L'Internet présente des difficultés tout à fait comparables. Est-ce le paysage culturel de l'Internet ? Il est vrai que les documents que l'on voit sur l'Internet n'ont pas la même structure que ceux dont nous disposons à l'école, est-ce que ces documents-là structurent autrement l'esprit des jeunes ? Je ne le pense pas. L'esprit d'un homme ou d'une femme se structure tout au long de son existence et ce n'est pas devant son écran d'ordinateur, pendant une heure ou deux, qu'il va le faire. La lecture sur l'Internet, l'écriture sur l'Internet est plutôt un effet de structure qu'une cause de structure. »

    Le président.

    « Je me suis fait une remarque en lisant le dossier de l'instruction. Alors que notre civilisation a été une civilisation de la parole sur ces vingt dernières années, Internet re-développe l'écrit. Pour bien écrire à son petit copain, il ne faut pas faire de faute dans l'email qu'on lui envoie. Donc on apprend à mieux écrire.

    Peut-être une question d'un juré ? »

    Philippe Lucet.

    « J'avais une dernière question qui n'est pas véritablement une question économique, mais plutôt une question politique pour monsieur le député. Je voudrais savoir si Internet va entraîner des nouveaux processus de participation ou si l'on va continuer les processus de démocratie représentative que nous connaissons en France.

    -- Est-ce qu'on peut faire un référendum par Internet ? Est-ce que cela a un rôle à jouer dans la participation du citoyen ? »

    Patrice Martin Lalande.

    « Techniquement oui. Mais comme pour tous les référendums, il faut qu'on s'assure que la façon de poser la question permet bien de trancher un problème clairement avec le recul nécessaire. Comme je le disais tout à l'heure, la démocratie presse-bouton sous le coup des émotions, c'est vraiment un mauvais service à rendre à la vie publique.

    Je crois donc qu'on va avoir avec l'Internet des possibilités nouvelles d'informer les citoyens dans le détail. Pour l'instant, par exemple, pour produire des plans de futurs aménagements de quartier ou autres, cela coûte cher, on ne peut pas le faire pour tous les habitants d'un quartier. Là, ils pourront se balader dans le futur quartier tel qu'il sera imaginable en trois dimensions. Donc, une meilleure connaissance des projets et des enjeux, le retour -- naturellement, puisque l'Internet c'est l'interactivité -- le retour possible plus facilement qu'actuellement, pour pouvoir consulter les citoyens.

    Alors, qu'il y ait des décisions sur lesquelles on doive interroger les citoyens en leur donnant ce délai de réflexion, je crois que oui. Mais je crois qu'il faut aussi ne pas court-circuiter les représentants, quels qu'ils soient. C'est vrai dans une entreprise pour les syndicats, dans le monde associatif ou dans le monde politique. Encore une fois, je crois que les représentants ont le rôle d'élaborer les synthèses entre les préoccupations, il n'est pas très facile de le faire sur place avec seulement une partie des éléments, comme peuvent le faire les électeurs. Je crois qu'il y a un rôle pour l'un et pour l'autre.

    J'ai fait un référendum dans ma commune, il y a une dizaine d'années, sur le plan de développement. Mais on avait pris trois ou quatre mois pour travailler, expliquer les choses. Je crois donc à cela, c'est une bonne chose, mais il y a des sujets sur lesquels la démocratie représentative continuera d'être la formule la plus adaptée. Quoi qu'il en soit, l'Internet va apporter un plus considérable sur l'information et sur les possibilités de réponse du citoyen. Même s'il ne décide pas, il peut être consulté, et quand il décide, il peut le faire mieux informé qu'avant. »

    Le président.

    « Je vous remercie monsieur le député. Je crois qu'on va arrêter là les débats. On va les suspendre jusqu'à 11 h 05 et à 11 h 05, nous entendrons la plaidoirie de la partie civile, le réquisitoire du ministère publique et la plaidoirie de la défense.

    L'audience est suspendue, l'accusée peut se retirer. »

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Questions aux témoins et experts
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Avant-propos
Introduction
Chefs d'inculpation
Inculpation 1
Jury
Partie civile
Témoins, experts
Interrogatoire
Lecture de l'acte
Demande report
A. Miller
Q. Miller
A. Lasfargues
A. Soriano
A. Jousselin
Q. témoins
Pièces
Reprise
Partie civile
Avocat général
Défense
Inculpation 2
Lecture de l'acte
Témoins, experts
A. Guglielmi
A. Aumont
Q. témoins
A. Pouzin
A. Georges
Q. témoins
Partie civile
Avocat général
Défense
Accusé
Verdict
Inculpation 3
Jury
Lecture de l'acte
Interrogatoire
Pièces
Témoins, experts
A. Mathias
A. Martin Lalande
A. Léon
A. Pélissier
A. Godin
Q. témoins
Partie civile
Avocat général
Défense
Inculpation 4
Lecture de l'acte
Témoins, experts
Pièces
A. Villain
A. Beaussant
A. Novaro
A. Soubeyrand
Q. témoins
Partie civile
Partie civile
Avocat général
Défense
Clôture
Verdict, sentence
Mot de la fin
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